graphic design: Tom Cazin
SIGNIAU
- MARGAUX BONOPERA
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Un signal (étymologie, XIVemes, signiau) est une marque distinctive, un signe grâce auquel une information circule. Lorsque celui-ci est perturbé, l’information qui nous arrive subit une torsion et devient dysfonctionnelle. Si l’altération est trop grande, ce qui a été fragilisé peut alors devenir inutile. Or, cette inutilité n’est préjudiciable qu’au sein de structures pensant les liens entre les choses à partir de rapports objectifs, utilitaires et rentables au monde. Les six artistes réuni·es dans cette exposition semblent toutes et tous sceptiques, presque inquiet·es face aux évènements qui fonctionneraient trop bien. Toutes et tous entretiennent une relation ambiguë à ce qui fait défaut : aux images abîmées et aux mots contrariés. C’est lorsque ça déraille, que ça passe mal, que ça laisse des traces qu’ils et elles commencent à prendre des notes. Ce qui importe, ce n’est plus de capter la 5G ou pas, mais plutôt la manière dont l’absence de réseau nous oblige dès lors à communiquer. Si le texte et les images demeurent parmi les principaux signiau de nos sociétés, à quoi servent-ils quand ils sont abîmés ?
Pour travailler, les artistes réuni·es ici ont en commun une méthode en deux temps. Tout d’abord, ils et elles produisent une banque d’images ou de textes au sein de laquelle ils et elles puisent, puis font ensuite subir une transformation matérielle et physique aux objets regroupés. Au cours de ce changement, le signal est alors altéré laissant apparaître des esthétiques et des stratégies particulières, et c’est ainsi que les torsions deviennent œuvres.
Pour modifier, utiliser et s’emparer d’informations, Caroline Reveillaud et Juliette George utilisent des techniques de traduction6 et de montage. Selon Caroline les techniques ne sont pas seulement des savoirs conduisant à des manières de faire, mais également des structures engageant et modifiant notre perception et notre réception des images. C’est précisément ce rôle d’intermédiaire qui l’intéresse et cela s’explique par le fait que l’artiste a eu connaissance de l’art de son histoire avant tout via des images imprimées (magazines, livres de vulgarisation ou documents historiques à visée analytique1). L’artiste pense ces datas (images, textes, documents) comme une linguiste qui tenterait de trouver l’origine des mots tout en interrogeant leurs utilisations actuelles.
Cependant, le discours n’est en aucun cas l’enjeu de l’artiste dont la pratique cherche avant tout à amener le spectateur à douter de ses interprétations perspectives construites à partir de données sensorielles, elle utilise ainsi des techniques qu’elle vient volontairement contrarier pour mieux laisser transparaître les processus de fabrication des images.
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SIGNIAU est une tentative incertaine de regroupement, un brouillage de piste et un panel de stratégies mis à notre disposition pour mieux s’émanciper des systèmes de contrôle et d’organisation de nos sociétés actuelles. SIGNIAU floute pour mieux nous inviter à nous regrouper. Et c’est ainsi que les torsions deviennent œuvres.
photo: objets pointus
with Camille BENARAB-LOPEZ, Juliette GEORGE, Jean-Baptiste GRANGIER, Bérénice LEFEBVRE & Victor VAYSSE